Dans toutes les époques de l’Histoire, la Santé a toujours été un domaine où s’exerçait ouvertement l’idéologie coloniale, son racisme foncier, et cet ancien hôpital en est une excellente illustration. Construit en 1896 à l’initiative du Dr Albert Plehn, médecin du service de la Santé, et conçu par l’architecte Henri Drees, il reçoit alors le nom le plus prestigieux : Gustav Nachtigal.

Consul itinérant, représentant le Kaiser et le Chancelier Bismarck dans tout le golfe de Guinée, de Calabar au Cap Lopez, Nachtigal avalisa et officialisa les traités de 1884 signés avec les rois Duala, instituant ainsi le Protectorat Allemand. Il avait pris de vitesse le consul britannique Hewett, surnommé Mister Too Late par les Duala, lui aussi venu pour négocier l’implantation britannique, mais arrivé trop tard. Nachtigal fut pour l’Allemagne impériale ce qu’était le consul britannique Beechcraft, au pouvoir victorien, quelques décennies plus tôt dans la baie d’Ambass. Précédant l’installation officielle du premier Gouverneur allemand, von Soden, le bref passage à Kamerunstadt du Dr Max Büchner mettra un terme à l’ambassade extraordinaire de Nachtigal.

Réservé aux Européens uniquement et de dimensions monumentales pour l’époque, ce bâtiment fut repris et agrandi au double sous le mandat français, en 1930. La même année vit la construction de l’hôpital Laquintinie pour les indigènes, dans une logique de séparation des communautés qui remonte à l’idée allemande de la Freie Zone et que l’administration française reprenait à son compte.

Arrivé en 1916 dans une ville encore germanophone et alité, Louis-Ferdinand Céline, auteur du célèbre Voyage au bout de la nuit, dépeint dans un passage inoubliable de son roman-culte, son séjour dans cet hôpital. Lequel prendra, l’indépendance venue, l’appellation Hôpital Général.