Cette maison aux nobles proportions, caractéristique de l’architecture coloniale allemande d’influence classique, a été construite de 1904 à 1910, à la fin de la période de campagne de pacification allemande, qui sera suivie des premiers plans d’urbanisme de la ville.
Son bâtisseur, David Mandessi-Bell, riche planteur et intendant du roi Rudolf Manga Bell, l’habite jusqu’à sa mort en 1936. Il est un des premiers Camerounais dont les revenus ne sont pas exclusivement issus de la pêche ou du commerce. En effet, lorsqu’en 1840 la traite négrière est officiellement interdite, les Douala, voyant disparaître également leur monopole commercial, se tournent vers d’autres sources de revenus : ils développent des plantations dans le Nkam, l’Abo, ou le Mungo ? De moindre importance que les grandes concessions allemandes sur les pentes du Mont Fako, ces plantations génèrent cependant de substantiels revenus à l’origine de constructions comme cette villa.
Son fils, Sam, né en 1911 dans cette maison (et mort en 1978), reprend l’activité de planteur, et occupe la bâtisse durant une partie de sa vie. Son frère adoptif, Jean Mandessi-Bell, fonde avec Léopold Moumé-Etia l’Union Camerounaise de Paris en 1937-38. Cette organisation avait pour but, dans une perspective d’indépendance, de demander le régime du mandat pour le Cameroun. Jean Mandessi-Bell militera ensuite avec la Jeucafra (Jeunesse Camerounaise Française),dirigée par Paul Soppo Priso. Première association politique tolérée, sinon favorisée par la France, la Jeucafra se bat contre un retour d’influence des Allemands au Cameroun à la veille de la seconde guerre mondiale. Cette association, qui souhaitait faire accéder le Cameroun au statut de colonie plutôt qu’à celui du mandat, fut énormément décriée comme organisation collaboratrice de la France. Elle sera cependant, selon l’avis d’Um Nyobè, le creuset des premiers activistes politiques du territoire.