30 mars – 04 mai 2018
Pour ceux qui l’ignorent encore, Salifou Lindou est un artiste paradoxal. Son travail, tantôt modeste tantôt généreux, est représentatif de sa discrétion naturelle parfois traversée d’explosions de colère, ou bien de sa parole très contenue quelquefois intarissable. Artiste solitaire, Lindou s’est pourtant pleinement engagé dans le collectif Cercle Kapsiki qu’il a cofondé, avec quatre autres compères. Il a exploré le monde, s’est frotté à des artistes internationaux, a montré son travail en solo, en duo ou en groupe. Ses aventures lui ont donné l’envie d’expérimenter différentes pistes d’expressions plastiques (nouvelles formes, supports, techniques, sujets …). Souvent précurseur par ses recherches, il ne cesse de repousser les limites, n’hésitant pas à sortir des sentiers battus, à aller hors de zones de confort, … tout en restant maître du jeu … everything under control !
Living together est une exposition multimédia où Salifou Lindou expérimente le fusain dans la peinture, l’empreinte de la fleur dans la gravure. Il nous révèle les trois univers qui l’habitent, sans le hanter.
L’artiste, conscient des perturbations que produisent, par ces temps inquiets, crises et violences sur les individus, nous dépeint son vécu entre amis, en famille, ce vivre-ensemble grandiose dans cette ‘‘forêt’’ d’êtres humains, aux muscles en fibres et veines qui font un clin d’oeil aux écorchés des planches anatomiques de Leonardo da Vinci. Il puise l’épaisseur des corps dans le registre de l’art africain classique, et dialogue avec des artistes dont il admire le travail: Ousmane Sow, Pablo Picasso, Jean Michel Basquais… Lindou nous parle également de son rapport à la mort. Il nous signifie un rite du passage par les deux échelles en crucifix qui sont entourés d’objets cultuels (statuettes, canaris d’eau…), sorte d’autel au sol jonché de roses. Il met en contraste l’univers sombre de personnages qui s’élèvent vers le ciel nuageux avec les silhouettes pâles qui dans leur voyage céleste s’approchent de la lumière. Puis, derrière la fine paroi, son monde intérieur et intime. Des roses délicatement peintes et reconstituées sont accrochées au mur, et des pétales clairsemés au sol, suivies de gravures en série, sorte d’‘‘Eden’’où la douleur apprivoisée est affirmée, de façon pudique et sensible. Ode à l’amour inoxydable que la mort ne brise point.
Que la vie est fragile, ô Aïcha…
Rose est le lien. !
‘’Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin’’
Les roses rouges, François de Malherbe
Living together déclare, avec cette profusion de roses dans les mondes tant bouillonnants que quiets, combien une cruelle épreuve devient un sentier qui mène vers les profondeurs de notre humanité.